De quoi s’agit’il ?

Voilà la pointe de l’iceberg des « Conférences de traverse » et du livre du même nom en construction. Vous avez ici accès au plan de l’ouvrage et à l’avant-propos. Je lirai régulièrement des conférences choisies parmi toutes celles qui composeront le livre sur ma chaîne youtube, à votre invitation via l’onglet de commentaire de cette page ou selon ma fantaisie. L’ouvrage, une fois terminé, sera publié sous format numérique et papier, probablement en à l’automne 2020, si le Covid le permet.

Avant-propos

Vous qui passez par ces lignes et prenez le temps de les lire, je vous souhaite la bienvenue. Je voudrais cet ouvrage accueillant, doux, souple, à votre main. Tranquille. Il n’est pas écrit sous le coup de l’indignation, il n’exprime pas une sainte colère, il ne vient pas poser un jalon dans une carrière universitaire ni financer une piscine. Il ne sert aucune autre fin que son existence, écriture destinée à la lecture. Il est né, il se déploie. Ce livre veut être une maison, pareille à un pays vécu et traversée par un anthropologue. Voilà donc entre vos mains mille aperçus de la France saisis à partir d’un point de vue, d’une subjectivité, abrités sous le toit de ce projet.

Le propos ne sera pas linéaire, parce que le pays ne l’est pas. La charpente tient ensemble, sans pour autant forcer l’unité : la France a sa magie propre, rassemblant dans un espace compact un maximum de différences, de cultures, de terroirs, de paysages, de civilités, d’airs dissemblables, d’eaux différentes. Ce qui la maintient, ce qui fait sa pluralité symbiotique, voilà ce qui nous intéresse ici. Tout se passe comme si, dans ce territoire que j’aime, c’est précisément ce qui délie, ce qui distingue qui fait l’unité profonde. Ce sont les arcanes discrètes du pays, ses nerfs, ses ligaments, son intimité précieuse que je me propose d’explorer ici, avec vous.

Depuis plus de dix ans, faisant mon métier d’anthropologue, j’ai traversé le pays. De Marcilly le Hayer à Mouzon, de Bézu Saint Germain à Cambrai, de Darnieulle à Miribelle les Echelles, de Bayonne à Ker Gadavarn, de Saint Etienne à Agen, de Langres à Lille, de Montreuil à Troyes, de Lorient à Niort, de Tours à Saint Amand en Puisaye, de Saint Paul en Cornillon à Villeneuve sur Lot, de Semur en Auxois à Provins, de Voiron à Limoges, d’Auxerre à Lunéville, de Besançon à Arc et Senans, de Brantôme à Saint Flour, de Saint André de Cubzac à Vaison la Romaine, de Carignan à Moulins sur Allier, de La Voulte à La Réole et de Strasbourg à Blois. En relisant ce paragraphe, des images mentales me remontent à l’esprit, qui ont saisi un morceau de l’âme de ces communes, images qui ont tissé entre elle un réseau de significations. Le voici, couché sur le papier.

A chaque fois, dans chaque lieu, des portes m’ont été ouvertes, je suis entré dans les maisons et, dans les salons la plupart du temps, dans les cuisines parfois, dans les cafés souvent, j’ai parlé à des gens, écouté surtout leurs paroles et je leur ai posé la plus élémentaire des questions, en guise d’introduction : comment ça va ? Et chacun a répondu, longuement. Entre ces lieux, il y a des routes, des sentiers mais aussi et surtout des paroles. Écoutées, transcrites, relues, reçues, ces paroles forment le sol du présent ouvrage, qui poursuit par l’écriture un long travail d’écoute et de lecture des verbatims. Ce travail anthropologique a déjà nourri une activité de vidéaste à travers une chaîne sur la toile; il s’agit ici d’aboutir.

Cet ouvrage reprend un chemin ancien, celui des Essais de Montaigne. Infinitésimal scribouillard, je veux néanmoins adopter cette forme d’écriture perpétuelle, qui supporte la reprise incessante, la réécriture, qui permet de compléter, d’augmenter, d’affiner de réduire, d’année en année un texte en mouvement. Aux premiers jours de l’année 2020, la première version sera disponible. La seconde suivra, en 2021, la troisième en 2022 et ainsi de suite jusqu’à ce que, de guerre lasse, la plume me tombe des mains. Pourquoi ? Simplement parce que la tâche est outrageusement démesurée, elle ne sera jamais vraiment achevée, alors autant faire comme si c’était de propos délibéré.

Le point de départ de cette écriture est une pratique de l’anthropologie politique. J’y injecterai aussi ce que je sais de philosophie, d’histoire et de sciences-politiques, tout ce que j’ai acquis dans la chambre aux merveilles au cours d’une formation classique -les Humanités, comme on disait autrefois. Je veux pour cela une écriture légère, une parole qui vient comme elle vient, rendant des comptes au sens commun, c’est à dire au sens que nous avons en commun, une écriture qui ne s’adresse pas à tel ou tel spécialiste. Il faudrait que, même lus dans le désordre, les conférences de traverse soient pour vous comme la visite ’un édifice dont on puisse apercevoir l’ensemble quel que soit le point de l’ouvrage où l’on se trouve.

Si je puis, ici, vous dire un peu ce qui nous tient, ce qui fait que nous nous aimons, ce qui fait que nous sommes pays, alors je n’aurai pas vécu en vain ma vocation.

Salut et joie !

Alexandre Duclos.

Sommaire

Avant-propos

  1. Intérieur

L’ordre au quotidien
La politique à l’échelle de la fréquentation
La police sociale
La mère délocalisée ou la police familiale
La force de l’ordre
Les classes sociales
Les grand-bourgeois
Les dirigeants de grandes entreprises
Les technocrates
Les métiers mange-métiers
Les bourgeois
Les marchands
Les touristes
Les gens de bureaux
La start-up nation
Les solitaires de l’Ancien Monde, ou les gens à vocation solitaire
Employés
Les professions-tampon
Les vieux
Agriculteurs
La force de l’ordre
Les étudiant.e.s
Les stagiaires
Les tâcherons
La main d’œuvre étrangère
Le chômage et les sans-emploi
Les pauvres
La rue

  1. Extérieur

Qu’est-ce qu’être étranger ?
Les étrangers ont-ils des droits ?
Dans quel pays se trouve Tolbiac ?

  1. Sacralité

Le 11 novembre à Marcilly-le-Hayer
Sacralités abolies
Défilés sous-ministériel à Troyes
Bure, ou le temps déicide
Chômage sacré
En voiture, Simone ! Ou l’encastrée
Passer le permis de vivre à la campagne
Priez pour nous !
Blasphème
Dorcel-story à Lanester

  1. Ambiguïté

« Pourquoi ne vous réjouissez-vous pas ?! »
Lacrymo-libéralisme
L’échec en politique
Administrer la faim

  1. En passant par la vieillerie

Natacha, ou l’alpha et l’oméga de Mr Soi
La malicieuse qui voudrait retourner danser
Un seul être en EHPAD et tout est dépeuplé
S ou la mélancolique
Cheffe de clan
Le luxe à la française
« Je possède des vignes, quelques vignes »
Résistance toute honte bue
Le bruit feutré d’un pays qui s’effondre
L’aidant absolu
Gardienne du temple
Parlers français avec nos anciens
L’intégration ignorée, « Aux alpages, il faut revenir »
Vivre à la verticale de sa vie sur les bords de l’Armançon
L’handicapée volante
La mère nourricière et son Diabologue
Du bistrot au kiosque, du kiosque au square et du square au marché
La noyée du noyé
La force tremblante
La vie en mégot
En apnée en attendant la mort
Trompe la mort
«  Mais tout le monde joue le jeu »
La bonne fée marraine

  1. Lire le pays en marchant

Marchons Villeurbanne

LRM, Gilets Jaunes et Google Maps Timeline
Pavillon de chasse Norauto
Traversée post-attentats
Retourner au bio ?
Ce que veut la pluie
Instagram, ou la pyrale infernale

  1. En passant

L’Ouest américain
Journée bois à Ailly
Hôtel des ducs à Épinal
Du PMU au karaoké
Vision
DGESCO
Les tours de la Mutualité sociale agricole
CLC France
Le lac du Der
Lycée professionnel à Saint-Ouen
Collège des Mureaux
Arc et Senans
Dole vers l’Italie
Langres
Fouesnant et la quête du bonheur communal
Le bassin d’Arcachon
Rumeurs à Saint-Dizier
Le pas du loup
La côte de Château Thierry à Bézu
Lille Europe
La Mairie de Sainte-Savine
Le tube
Festival à Saint-Michel-de-Chabrillanoux
Saint-Claude vers la Suisse
Autun et feu le chanoine Grivot
Bidart
Chantilly
La Voulte
Brantôme
Saint-Amand-en-Puisaye
Vitiloires
La Réole, jour de brume
Blois
En marchant jusqu’à Pessac et Haut-Brion
Le marché des Chartreux

  1. Conférence carmausine sur un fond jauressien

Le bonhomme
Jaurès et Dieu
Matérialisme historique VS idéalisme
Démocratie sociale
La propriété collective des biens de production
Jaurès et les retraites
Plutôt anarchie que bureaucratisme, militarisme ou tyrannie socialiste
La question de l’écosocialisme
Le combat pour la paix
Comment aller chercher « ceux qui »

Conclusion

Postface

 

1 Les 4 premiers chapitres de la partie consacrée au pouvoir reprennent les 4 domaines du pouvoir définis par Georges Balandier dans Anthropologie Politique (PUF 1967). Ces quatre domaines sont Intérieur, Extérieur, Sacralité et Ambiguïté cet auteur qui m’a longtemps servi de point d’appui central pour la construction de mes cours d’anthropologie politique, ou plus simplement de manuel pour initier mes étudiants à l’anthropologie.

7 commentaires sur “De quoi s’agit’il ?

  1. Bonjour !
    habituée de la chaine, je suis ravie que votre chemin vous amène au livre ; j’avoue une appétence pour le mot, plus que pour le lu, et j’ai décroché de la Traverse #0 car il me semblait que vous aviez arrêté de me parler à moi, pour lire à vous-même un texte. Mais je réessayerai, promis.

    Bref, quelques éléments épars :
    //1 le pouvoir, merci d’avance de reformuler Ballandier dans un français fluide, avec des exemples concrets. Moi, il m’est tombé des mains, et pourtant, j’en ai avalé des pensums…
    //2 le travail, voila qui va être passionnant. Allez-vous utiliser des statistiques ? Je suis entourée de jeunes ingénieurs (diplôme de moins de 10 ans), tous disent pareil : « on ne travaille pas à ce à quoi nos études nous ont préparé, on s’ennuie car on ne fait pas de science, on est conscients (!) de l’état du monde et de l’effondrement à venir, on déteste travailler pour le grand capital ». Nombreux sont ceux qui se contournent eux-mêmes, dans la fuite du voyage en vélo, dans le pas de côté (syndrome de Peters), dans le retour à une autre forme d’apprentissage. Suis-je entouré d’une population biaisée ou est-ce une réalité chiffrée ?
    Personnellement, j’en suis à mon troisième métier, et il est en train de s’éparpiller en multidisciplinarité, sortir des systèmes marchands, décroissance aussitôt remplacée par l’explosion des relations et des savoirs-faire. Je réfléchis en ce moment aux éléments dans mon parcours qui m’ont fait sortir de mon ornière sociologique de départ (bourgeois provinciaux blancs cathos évadés fiscaux) ; intéressant.
    II3, II4, la question du travail des femmes. Mettre en parallèle avec l’enfermement des deux autres catégories de population qu’on ne doit pas laisser trainer dans les rues, les enfants et les vieux ; si les hommes actifs sont enchaînés au travail, y a pas de raison que d’autres soient libres, hein ? Univers carcéraux de l’école, de l’ehpad, du malade de la sécu, du chômeur, et du supermarché tant qu’on y est.
    //3 vraiment hâte de vous lire ! Pour ce chapitre me vient l’image « des plis et des plans », c’était un sujet de cours que j’utilisais en chant/travail corporel. Les plans, ce qui se déroule net, visible, connu – les pli, ce qui permet de modifier le rapport entre appui et position, de modifier la réalité, la place.. le plan. Les plis, là où se cache le sale et le non-dit. Je vis à Lyon, une ville pleine de plis sociaux.
    //4 je ne saisis pas l’articulation avec seulement les titres. Paysages français, c’est pour moi une diversité pédo-climatique inégalée en Europe (elle-même privilégiée par la géologie et l’habitat lombricole), des zones d’ecotones ultra-fréquentes et donc un potentiel paradis agronomique. Un territoire moins dégradé que les autres du fait de sa résilience naturelle et du coup, une inconscience particulièrement épaisse des humains qui gratouillent au dessus. Une puissance des lobbies caractéristique de l’effondrement à venir. L’état actuel de la nature qui nous accueille est un signe en soi. Someone’s shit is someone else’s treasure, il n’y a de déchet que dans un monde cassé, séparé, en rivalité.
    5// V.2, comment il devenu normal d’exprimer son mépris dans les médias, avec Naguy tout d’abord, puis en en faisant un objet esthétique avec Kaamelott. Vous avez connu ça aussi ? V.6 suspense intense…

    // il vous faut signer d’un Salut et Joie ! tonitruant
    // « un espace compacte » – pas de e, il me semble – je me porte volontaire pour le travail de pré-édition si vous cherchez quelqu’un (on ne sait jamais)

    bien à vous,
    Blandine Moraweck

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  2. Bonjour Blandine Moraweck,
    Merci infiniment.
    Le difficile équilibre entre le dit et le lu viendra progressivement. La seconde conférence devrait être en public avec débat à la suite. Cela ne pourra être une simple lecture et toutefois, même en inversant le balancier, je voudrais maintenir du lu.

    //3 Ahalala, Lyon… Drôle de ville. Comme si le mot « provincial » avait été inventé pour décrire la capitale des Gaules. Peut-être la seule mégalopole provinciale du monde. Avec une vieille bourgeoisie corrosive que même Bordeaux ou Dijon n’adopteraient pas. Imaginons que l’on place Lyon au centre d’un cercle d’une grosse soixantaine de kilomètres. Macon, Roanne, Saint Etienne, Grenoble et Chambéry se trouvent sur les bords du cercle. Ce serait amusant de regarder Lyon depuis ces bords divers.
    //4 Je vous suis sur le territoire marché et pédalé, mais c’est aussi des paysages bavards sur le travail des humains et les caractères, les familles, les relations au non-humain, les grands réseaux, les petits réseaux (d’eau, de routes, d’électricité, de transports, de migrations). Mon idée est de faire parler les paysages, du premier ressenti au verbatim clé.

    Salut et joie,

    AD.

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  3. Sans doute un point de vue intéressant et unique, dommage que ce soit inaudible. Merci quand même pour tout ce travail de collecte et bonne chance pour vos conférences.

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  4. Bonsoir ! Je trouve votre plan très complet, et attends avec impatience les conférences de traverse pour tenter d’apporter mon maigre savoir à votre réflexion ; bon courage en tout cas !

    Bien à vous,
    Mateo

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  5. Bonjour Alexandre,

    je suis passé à côté de ce nouveau travail durant de longs mois, et ce n’est que récemment, lorsque j’ai repris le temps d’en avoir que j’ai découvert ce dans quoi vous vous étiez lancé avec beaucoup de courage et d’envie.
    Ayant apprécié vos cours et vos vidéos, j’avoue que cela m’a beaucoup plu. Je suis en train de regarder et d’écouter les conférences de traverse que vous avez mises en ligne, petit à petit, et j’y retrouve la même qualité de recherche, d’écriture et de réflexion qui m’a fait apprécier vos enseignements qui ont alimenté mes réflexions sur ce qui m’entoure.

    Je ne peux résister à l’envie de vous soumettre un de mes biais, ou une de mes attentes, concernant les différents points que vous avez prévu de développer tout au long de la construction de cet immense almanach.

    J’aurais en effet souhaité avoir votre point de vue d’anthropologue et de sociologue sur la « culture associative » en France, notamment celle qui prend place dans le vaste et nébuleux domaine de la solidarité (aussi me dis-je que cette étude peut s’insérer dans le « I.1: solidarités prescrites et solidarités réelles »). La démarche est un peu autocentrée, je l’avoue, étant moi-même, dans mon quotidien, très impliqué dans un pan de cette sphère que je m’efforce d’analyser et de comprendre, plus ou moins justement. Y étant actif, il m’est parfois difficile de prendre le recul nécessaire à l’analyse de cet univers que je n’ai pas nécessairement retrouvé dans d’autres pays, ou tout du moins, rarement avec la même intensité. Au fond, qu’est-ce qui culturellement, sociologiquement, a construit cette vision de la « solidarité associative », en marge et pourtant connectée aux politiques publiques ? Qu’est-ce qui se joue collectivement et individuellement à travers l’action « bénévole » menée par des millions de personnes en France ? Cette action, systématiquement présentée comme désintéressée, l’est-elle totalement ?

    En tout cas si le sujet et le propos vous intéressent, je serais ravi d’écouter le fruit de vos réflexions. De même, si vous deviez avoir besoin de matière ou de témoignages, je suis totalement disposé à vous apporter mon concours et mon aide.

    Je vous remercie, en tout cas, pour ce que votre travail m’apporte d’enrichissement et de réflexions. Je vous souhaite le meilleur, beaucoup de joies et de sourires.

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  6. Bonsoir! Tout d’abord merci beaucoup pour permettre l’accès au contenu de vos cours, conférences et réflexions via le format vidéo. J’ai découvert en premier les chroniques post-fin du monde qui m’ont beaucoup plu. Je suis en dernière année de master en histoire-anthropologie et je suis actuellement en Colombie pour faire mon travail de terrain sur la Quatrième Révolution Industrielle qui est actuellement impulsée en grande pompe par le Forum Economique Mondial ainsi que par le gouvernement néo-liberal colombien. Ma question à vous poser était concernant vos travaux de terrains, comment précédez-vous matériellement et méthodologiquement ? Ca me serait bien utile car je suis actuellement entrain de réfléchir à comment procéder à ce travail de terrain, mais je n’ai jamais été très attentif aux cours de méthodologie à la fac… Ca serait notamment très enrichissant si vous faisiez une vidéo là dessus un jour, une sorte d’exemple de comment percevoir une situation au travers d’un certaine pratique ethnographique. Je pense que ça pourrait notamment servir dans la vie quotidienne.

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